Mardi 15 avril à 20h00 : "L’homme insecte : de l’orgueil à la pitié" par David El Kenz

 

L’insecte agace, l’insecte menace, l’insecte dégoûte. Cet autre que l’on peut exterminer sans culpabilité s’est pourtant mélangé avec l’homme en littérature, au cinéma et en chanson. La métamorphose en bestiole n’est-elle pas la meilleure illustration de l’inquiétante étrangeté ? Elle révèle l’outrecuidance de l’humanité, elle suscite aussi la pitié de celui qui s’y est brûlé les ailes. David El Kenz vous invite à un parcours à travers quelques œuvres, d’Ovide à Disney, de Dante à Cronenberg, pour frissonner face à cette hybridation des contraires.

 

David El Kenz est Maître de conférences en histoire moderne à l’Université de Bourgogne et spécialiste d’histoire des représentations

 

 

En collaboration avec le Musée-Site Buffon à Montbard.(les "samedis du Musée Buffon")

Mardi 25 mars à 20h00 : "La vidéo-surveillance" par Éric Heilmann

Le sociologue Éric Heilmann est l’un des spécialistes français de la vidéo-surveillance depuis vingt ans. Ancien maître de conférences à l’Université Marc Bloch de Strasbourg, il est aujourd’hui professeur à l’Université de Bourgogne à Dijon. Son dernier livre sur le sujet, Vidéo-surveillance ou vidéoprotection ?, a paru en 2012.

 

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Mardi 11 mars à 20h00 : «Comprendre les insultes dans les langues » par Samir Bajrić

 

Les insultes, les injures, les jurons et les autres « grossièretés » de nos langues ont de tous les temps animé l’esprit de l’être humain. Les recherches en linguistique, en anthropologie et en éthologie (science des comportements) permettent de constater que les langues du monde partagent, là encore, un trait commun : la possibilité d’ « humilier » de « dénigrer » ou de « blesser » son interlocuteur (ou celui qui est absent) simplement en prononçant (ou en écrivant) certains mots / certaines phrases. Dans chacune des langues naturelles, ces mots et ces phrases visent les mêmes sphères de la vie humaine (personnalité, traits physiques, sexualité, scatologie, lien familiaux, etc.). Néanmoins, leurs formes et leurs significations varient beaucoup, quantitativement et qualitativement, entre différentes langues-cultures. Ce qui est une insulte dans une langue, formellement parlant, peut ne pas l’être du tout dans une autre langue ou bien être simplement quelque chose d’insensé. Pour s’en convaincre, il suffit de renvoyer à quelques exemples (la traduction en français est une traduction littérale, mot à mot) :

- français : Je t’emmerde ! Ta mère ! Va te faire foutre ! Connard ! / Connasse ! Sale Pédé ! ; etc.

- anglais : Fuckyou ! (« Baise-toi ! ») ; Motherfucker ! (« Baiseur de mère ! « ) ; I don’tgive a shit ! (« Je ne donne pas une merde ! ») ; etc.

- allemand : Verpissdich ! (« Pisse-toi ! ») ; LeckmichamArsch ! (« Lèche-moi autour du cul ! ») ; Arschgesicht ! (« Visage de cul ! ») ; etc.

- langues slaves méridionales : Jeb’o ti pas mater ! (« Qu’un chien baise ta mère ! ») ; Idi u kurac ! (« Va dans la bite ! ») ; Pizda ti strinina ! (« À toi, le con de ta tante ! ») ; etc.

Il convient donc de s’interroger sur les choix de mots et de phrases qu’opèrent les langues dans les échanges et les rapports humains. Peut-on traduire adéquatement les insultes ? D’où viennent les différences ? ; etc.

 

 

Samir Bajrić est professeur de linguistique et directeur de recherche à l’Université de Bourgogne ainsi qu’à l’université de Zadar (Croatie). Responsable du Master de sciences du langage et de didactique des langues à l’université de Bourgogne, il enseigne la linguistique française, la linguistique générale et comparée et la néoténie linguistique (appropriation des langues). Ses travaux et publications s’étendent sur des domaines relativement éclectiques : syntaxe et sémantique ; pragmatique ; cognitivisme ; subjectivité du locuteur ; vouloir-dire ; psychomécanique du langage ; interjection, particules énonciatives et insultes ; mots « paresseux » ; questions de traduction ; langues et identités, etc.

 

Mardi 11 février à 20h00 : « Lorsque l’être humain est engagé dans la communication publicitaire…» par DubravkaSaulan

 

Dans un monde simple et parfait, la définition du processus de communication s’avère également simple et parfaite. Il s’agit d’un « je » et d’un « tu » se trouvant l’un en face de l’autre. L’un dit : « J’ai bien dormi », et l’autre répond « C’est bien. Moi aussi. ». Dans une telle communication, les problèmes des rôles ne se posent pas. Mais dans la plupart des actes de communication, tel n’est pas le cas. Définir le récepteur devient de plus en plus difficile dans la vie d’aujourd’hui où tout le monde est « fou de communication », à commencer par les activités les plus quotidiennes : aller en courses et voir un scanner de prix indiquant « Ici – vos prix ! », rentrer chez soi, allumer l’ordinateur et ouvrir la boîte de réception de la messagerie électronique, avant d’y trouver une trentaine de courriels non lus, adressés à un ou à plusieurs destinataires, directs (fonction « À ») ou indirects (fonction « CC »), avec ou sans pièce(s) jointe(s), descendre vérifier une autre boîte de réception, celle du courrier postal (version dite papier), avant d’y découvrir une foule de publicités de tous genres, malgré l’inscription « Pas de publicité, S.V.P. ! » qui, évidemment, n’a pas atteint le récepteur visé, et ainsi de suite. Aussi banal que cela puisse apparaître, faire une analyse de ce « vos » dans « Ici – vos prix ! » ou d’un verbe absent, remplacé par un trait d’union, des courriels qui ne vous sont pas adressés directement, mais dont vous êtes pourtant l’un des destinataires (copie ou champ principal), de la publicité qui commence de plus en plus à être mise dans une enveloppe et adressée à votre nom, des inscriptions « pas de publicité, S.V.P. », etc., s’avère être une des tâches les plus complexes de nos jours. Ce qui semble être le point culminant, c’est d’identifier tous les émetteurs et tous les récepteurs des messages : à qui s’adresse l’inscription « Pas de publicité, S.V.P. ! » ? ; qui est ce « vous » dans « Ici – vos prix » ? ; dans quelle mesure êtes-vous concerné si votre adresse électronique apparaît à l’intérieur du champ CC d’un courriel ? ; etc. Ou encore, qui est celui qui encombre les boîtes à lettres avec de la publicité : l’entreprise fabriquant le produit affiché, les responsables du marketing qui travaillent dans la même entreprise, le livreur / le facteur, la poste, etc. ?

 

DubravkaSaulan est chargée d’enseignement à l’Université de Bourgogne. Elle enseigne l’analyse du discours et la sémiologie. Ses travaux et publications portent sur les domaines suivants : sémantique, analyse du discours, sémiotique et sémiologie, traductologie, subjectivité, diversité des langues, etc.

Mardi 28 janvier 2014 à 20h00 : « Le manga peut-il rendre intelligent ? » par Victor-Arthur Piégay

 

Sous nos latitudes, le manga a souvent eu mauvaise presse. Considéré à l’époque de son arrivée sur le marché français comme un medium abrutissant et même dangereux dans des discours « relevant du registre de la déploration culturelle et des paniques morales »1, le manga, s’il a conquis depuis le début des années 2000 une forme de légitimité, reste toujours regardé avec méfiance. Souvent synonyme d’une certaine pauvreté matérielle – son dessin en noir et blanc sur du papier de qualité médiocre – autant que graphique et narrative – une association de dessins à l’expressivité agressive et de textes indigents et vulgaires – le manga constituerait un divertissement intellectuellement pauvre pour lecteurs peu exigeants. Cette communication visera à prouver le contraire en postulant que le manga peut être érigé en instrument d’apprentissage voire enrichir notre encyclopédie de connaissances sur le monde. Et si le manga pouvait rendre ses lecteurs intelligents ? La question est certes aussi naïvement énoncée que provocante, mais permettra d’interroger l’apport culturel d’un medium de masse mal connu et trop souvent déprécié.

 

Professeur agrégé de lettres modernes et ATER en littérature comparée à l’UB, Victor-Arthur Piégay termine actuellement une thèse sur la fiction moderniste. Ses recherches incluent également le domaine des études culturelles. Il a récemment dirigé, avec Vanessa Besand, un ouvrage intitulé Révolutions de l’animation à l’ère postmoderne consacré au cinéma d’animation (à paraître).

Mardi 14 janvier à 20h00 : "La banlieue du 20 heures - ethnographie de la production d'un lieu commun journalistique" par Jérôme Berthaut.

Plongés dans un collectif de travail régi par des logiques économiques (audience, productivité), le poids des sources légitimes et des modèles professionnels importés de l’audiovisuel commercial, les journalistes de France 2 fabriquent et perpétuent les lieux communs sur les habitants des quartiers populaires pour satisfaire dans l’urgence la commande de reportages prédéfinis par leur hiérarchie. À partir d’une enquête menée au plus près des pratiques quotidiennes des journalistes, Jérôme Berthaut propose une explication sociologique à la permanence des représentations réductrices véhiculées par certains contenus médiatiques.

 

Dans les rédactions, la catégorie « banlieue » sert à désigner un ensemble de sujets possibles et qui ont déjà fait leur preuve, dont on estime qu’ils ont fonctionné et fonctionnent généralement auprès du public. C’est pour cela que les catégories de classement ethniques ou stigmatisantes font irruption au sein des rédactions. Elles y ont une utilité sociale pratique en réduisant pour les journalistes l’imprévisibilité du travail. Elles permettent de tenir ensemble plusieurs contraintes (de temps, économiques, éditoriales) en proposant des raccourcis cognitifs possibles et accessibles à la plupart des journalistes.

 

Sociologue, maître de conférences à l’Université de Bourgogne et membre du Ciméos, Jérôme Berthaut est chercheur associé au laboratoire « Migrations et société » (URMIS-CNRS). Ses recherches croisent sociologie des médias et sociologie de l’immigration. Il est l’auteur de l’ouvrage La Banlieue du « 20 heures ». Ethnographie de la production d’un lieu commun journalistique, paru en octobre 2013.

Mardi 10 décembre 2013 à 20h00 : "Y a-t-il des fautes de français ?" par Thomas Verjans

"La question a sans doute de quoi surprendre. Elle pourrait même passer pour provocante, à une époque où l’on met sans cesse en cause le rôle des nouvelles technologies dans l’abandon de la lecture et la baisse constante du niveau orthographique. Cette question pourrait encore paraître absurde, puisque chacun d’entre nous sait bien identifier certaines fautes et, le cas échéant, les corriger. Pourtant, on ne peut se satisfaire de cette conception ordinaire de la faute, comme phénomène entièrement négatif. D’abord, il est des fautes qui sont systématiquement reproduites, de génération en génération (le vélo à ma mère, je courirai plus vite…). Ensuite, les "fautes" sont peut-être susceptibles de nous dire quelque chose de la manière dont on utilise sa propre langue, en ce sens qu’elles en constituent des limites. Or si les fautes ont une systématique et une fonction linguistique, sont-elles si fautives qu'on veut bien le croire ordinairement ?"

 

Thomas Verjans est maître de conférences en sciences du langage à l’Université de Bourgogne. Ses travaux portent principalement sur l’histoire du français.